La ligne de soutien Inform’elles a un an !
À l’occasion du 22 mars 2023, marquant la première année depuis la réouverture de la ligne de soutien Inform’Elles, offerte en partenariat avec Mosaic et Réseau-Femmes, nous nous sommes entretenues avec Cécile, notre intervenante.
Entrevue avec Cécile Bruyninckx, Intervenante contre les violences faites aux femmes.
Megane-Charlie — D’abord, félicitations Cécile pour cette première année depuis le retour de la ligne de soutien! Peux-tu nous parler de ton parcours en tant qu’intervenante?
Cécile – Avant d’arriver à Inform’Elles, il y a un an, j’ai travaillé pendant 5 ans comme intervenante en toxicomanie dans le Downtown Eastside. J’ai d’ailleurs remarqué que les francophones provenant des provinces de l’Est sont disproportionnellement affectés par la crise itinérante.
Megane-Charlie — Intéressant! Peux-tu nous parler du projet de la ligne de soutien Inform’Elles?
Cécile – Tout d’abord, la ligne de soutien Inform’Elles n’est pas une ligne de crise C’est une ligne offrant un soutien émotionnel, de l’orientation et une écoute. Les femmes qui appellent la ligne de soutien demeurent les pilotes, et moi, j’agis comme co-pilote, afin de les aider « à négocier les virages serrés ». C’est d’ailleurs la seule ligne de soutien en Colombie-Britannique s’adressant spécifiquement aux femmes ayant besoin de parler avec quelqu’un de bienveillant en français. Lorsque ce sont des sujets aussi difficiles qui touchent l’intime, il faut le faire dans la langue affective ou, du moins, celle de leur choix, pour obtenir une écoute qui soit culturellement appropriée, même pour des personnes qui sont bilingues et qui utilisent l’anglais dans la vie de tous les jours.
Megane-Charlie — Quels types de services peux-tu offrir aux femmes qui appellent la ligne de soutien?
Cécile – Un peu de tout! Intervention, travail social, traduction, défense des droits… Plus concrètement, je peux aider les femmes qui appellent avec des besoins tangibles, comme la recherche d’un avocat ou d’un logement, la reconnaissance de diplôme et l’ouverture d’un compte bancaire. Je peux aussi les orienter vers les ressources disponibles dans leur région. Je peux aussi prendre des appels venant de femmes témoins et leur offrir des ressources pour aider leurs proches qui sont victimes de violence.
Ma tâche principale demeure l’écoute active et le soutien.
Megane-Charlie — Quelles sont les difficultés rencontrées par les femmes francophones qui demandent de l’aide en Colombie-Britannique?
Cécile – Je dirais que le manque de logement abordable et de services légaux sont les principales difficultés rencontrées. La crise du logement affecte tout le monde, mais c’est pire pour les femmes en situation de violences, qui doivent souvent se retirer de la situation rapidement. Pour les services légaux, il est difficile de trouver des avocat.e.s francophones. Il y a beaucoup d’avocat.e.s spécialisé.e.s en droits de la défense, mais très peu pour les victimes, encore moins qui parlent français.
Megane-Charlie — As-tu observé, dans le cadre de ton travail, l’impact de la pandémie sur la situation des femmes victimes de violence en Colombie-Britannique?
Cécile – Oui, les expert.e.s parlent d’ailleurs de la pandémie de l’ombre, qui a eu un effet dévastateur sur la condition des femmes victimes de violence.
Durant la pandémie, les femmes ont dû rester à la maison, avec leur partenaire, pendant que les services fermaient les uns après les autres. Le stress et la frustration étaient à leur comble, entre l’impossibilité de voir sa famille et ses amis et la perte d’emploi, et donc, on a pu observer une augmentation de cas de violence conjugale.
J’ai une cliente, Karine*, qui a été victime d’un viol et qui a voulu se rendre à l’hôpital afin de recevoir les prélèvements, mais qui n’a pas pu s’y rendre, car elle n’était pas vaccinée.
Il faudrait vraiment avoir des kits disponibles dans des pharmacies ou dans des organismes désignés, permettant aux femmes de faire leurs prélèvements par elles-même, dans des cas comme celui-ci.
*Nom fictif
Megane-Charlie — Aurais-tu une histoire de succès à partager?
Cécile – Oui! J’ai reçu un appel d’une femme, Sarah*. Sarah venait du Québec et elle s’était mariée avec un homme qu’elle ne connaissait pas, dans un mariage arrangé par sa famille. Elle lui a seulement parlé au téléphone avant leur mariage. Il était violent, mais elle ne le savait pas.
Lors de son appel, cela faisait déjà 3 ou 4 jours que Sarah ne dormait plus. Cela m’a pris deux jours complets à appeler des maisons de transition avant de finalement, lui trouver une place.
Je suis allée la chercher à une station de métro et je l’ai aidée avec l’admission à la maison de transition. Une fois reposée, elle m’a recontactée : elle voulait rentrer au Québec.
Je l’ai aidée en contactant un organisme qui a payé la moitié de son billet d’avion. Elle a finalement pu rentrer chez elle. Elle a retrouvé sa cousine et a maintenant un nouvel emploi.
Les femmes à qui je viens en aide sont souvent très reconnaissantes et veulent aider à leur tour, afin de donner aux suivantes!
*Nom fictif
Megane-Charlie — Finalement, dans un monde idéal, à quoi ressemble le système venant en aide aux femmes francophones victimes de violences en Colombie-Britannique dans le futur?
Cécile – Je me demande s’il faut changer la loi afin que ce soit les hommes violents qui soient retirés des situations de violence conjugale, plutôt que de contraindre les femmes à fuir ces situations. Les femmes victimes de violence rencontrent déjà beaucoup d’obstacles lorsqu’elles quittent un partenaire violent, parfois avec leurs enfants, et elles doivent ensuite se trouver un nouvel appartement…
Il faut aussi un changement drastique, tant au niveau politique que social, pour que la violence n’est pas acceptable. Réseau-Femmes, avec le programme Jeunes Leaders des Relations Saines (JLDRS), a déjà commencé l’éducation des adolescent.e.s, mais ça doit être enseigné dès l’école primaire, à titre de matière scolaire.
Les violences faites aux femmes ne sont pas que l’affaire des femmes. c’est l’affaire de tout le monde




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Pour toute demande d’entrevue, veuillez contacter Megane-Charlie Sauvé, Responsable des communications d’Inform’Elles à : communications@informelles.ca.